jeudi 24 février 2011
La Chancellerie souhaite mieux évaluer les magistrats
La Chancellerie souhaite mieux évaluer les magistrats
Par Laurence De Charette (Le Figaro)
Des magistrats assistent à la cérémonie des voeux de la cour d'appel de Paris, le 11 janvier 2011. Crédits photo: AFP/MARTIN BUREAU.
L'ancienneté constitue actuellement un critère prépondérant, et sans doute le seul qui ne donne pas lieu à controverse. Un système qui ne permet pas toujours de distinguer les plus méritants des piètres éléments.
Mettre fin à la technique dite «du coup de pied ascensionnel» selon l'expression ironique d'un procureur, ou, tout au moins, mieux gérer les carrières. C'est l'un des objectifs poursuivit par la Chancellerie, qui vient d'achever la mise au point d'une nouvelle méthode d'évaluation des magistrats. Pendant près d'une année, un groupe de travail a cherché à mettre à plat l'ensemble des critères qui fondent la notation par les chefs de juridiction et de cours. Une nouvelle grille a été rédigée, qui sera utilisée pour la première fois à partir de l'automne prochain.
Le sujet est particulièrement sensible au sein du corps judiciaire, prompt à lutter contre toutes formes éventuelles «d'atteinte à l'indépendance» dans l'exercice du métier. La gestion des carrières des magistrats souffre du coup d'une forme de passivité: l'ancienneté constitue un critère prépondérant, et sans doute le seul qui ne donne pas lieu à controverse. Michèle Alliot-Marie, à son arrivée au ministère de la Justice, avait été surprise par ce fonctionnement, qui ne permet pas toujours de distinguer les plus méritants des piètres éléments - qui ne sont pas forcément pénalisés. Or cette question est corollaire de celle de la responsabilité des juges.
Sous couvert d'anonymat, la plupart des chefs de juridiction ne cachent pas que remplir la fiche d'évaluation de l'un de ses magistrats n'est pas un exercice simple. «Si on note mal un membre du tribunal qui pose problème, il n'obtiendra pas rapidement l'affectation qu'il souhaite… Si bien que l'on se retrouve dans la situation paradoxale de devoir le garder…», explique ce procureur. D'où la tentation d'attribuer son satisfecit aux magistrats médiocres.
«Hauts potentiels»
De façon générale, ont témoigné les membres du groupe de travail, l'évaluation des magistrats ne reflète pas assez la réalité. Une forme de lissage des carrières s'opère. «Au fil des années, on se contente de décaler les croix du questionnaire d'évaluation vers la gauche - c'est-à-dire vers les colonnes “excellent” ou “exceptionnel”» explique un autre chef de juridiction. Dans la même logique, la quasi-totalité des magistrats sont proposés par leur hiérarchie au tableau d'avancement après sept ans d'ancienneté, pour passer au grade supérieur (1er grade). Les responsables les plus aguerris savent toutefois décrypter entre les lignes les non-dits des fiches d'évaluation: ainsi écrire d'un magistrat qu'il est «très dévoué» au tribunal est une façon de laisser entendre qu'il ne compte pas parmi les plus doués. Ou parler d'une «forte personnalité» est une forme de critique déguisée.
Le groupe de travail a donc cherché à «redonner du sens aux mots», explique Mathieu Bonduel, président du Syndicat de la magistrature, qui a participé aux travaux. «Il est apparu nécessaire que l'emploi des qualificatifs “insuffisant” ou “exceptionnel” fasse l'objet d'une motivation», précise la circulaire récemment envoyée par la Chancellerie. Ces deux adjectifs constituent le premier et le dernier qualificatifs sur une échelle de 5, placés en face d'une série de questions sur les compétences du magistrat. Pour chacune d'entre elles, les chefs de juridiction cochent un adjectif. Or «exceptionnel» est très fréquemment coché…
Par ailleurs, pour mieux coller à l'exercice professionnel, la nouvelle grille prévoit des critères différenciés selon les fonctions exercées - juge des enfants, juge d'instruction, etc. Son utilité dépendra toutefois essentiellement de la pratique. Pour la première fois, la Chancellerie a également lancé une opération de sélection des «hauts potentiels» destinés à prendre des responsabilités. Ce repérage s'est opéré d'abord sur la base du volontariat, avec un appel à candidature pour une formation spécifique. 240 postulants se sont manifestés pour 40 places…
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