mercredi 26 décembre 2012

Poursuites exercées contre un majeur sous curatelle : nécessité d’une information complète du curateur

Poursuites exercées contre un majeur sous curatelle : nécessité d’une information complète du curateur
Mots-clefs : Majeurs protégés, Poursuites pénales, Curateur, Assistance, Droits de la défense, Procès équitable, Obligation d’information
Dans un arrêt du 27 novembre 2012, la chambre criminelle rappelle qu’en vertu de l’article 706-113 du Code de procédure pénale, le curateur d'une personne majeure protégée doit être avisé des poursuites et des décisions de condamnation dont celle-ci fait l'objet.

L’article 706-113 du Code de procédure pénale confère un certain nombre de droits aux tuteurs et curateur de personnes faisant l’objet de poursuites pénales. Il leur donne notamment la possibilité de prendre connaissance des pièces de la procédure, de bénéficier d’un permis de visite (quand le majeur protégé est placé en détention provisoire) ainsi que d’un droit d’information sur la date d’audience et les décisions et poursuites pénales dont il a fait objet.
En l’espèce, le prévenu, majeur protégé placé sous curatelle, était poursuivi des chefs de violence aggravée en état de récidive légale. Or, si son curateur, absent à l’audience, avait été avisé par l’autorité poursuivante de la date de celle-ci, le Parquet avait omis de le renseigner sur les poursuites et le jugement dont le majeur placé sous sa protection avait fait l’objet.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel qui ne fait pas état du respect, dans son ensemble, de l’obligation d’information mise à la charge du procureur de la République par l’article 706-113 du Code de procédure pénale. Le Parquet, en se contentant d’informer le curateur de la date d’audience, n’a qu’imparfaitement satisfait à ses obligations. Cette décision confirme les solutions antérieures (Crim. 14 avr. 2010) et la rigueur dont elle fait preuve dans l’appréciation tant de l’étendue de cette obligation d’information (Crim. 3 mai 2012) que des raisons permettant au Parquet de s’y soustraire (la Cour exclut à ce titre, la dangerosité du prévenu et l’impossibilité de renvoyer l’affaire compte tenu du cours délai imparti à la cour d’appel pour statuer : Crim. 1er févr. 2012).
En vérifiant minutieusement que l’obligation d’information porte effectivement sur l’ensemble des éléments mentionnés par l’article 706-113 du Code de procédure pénale, les juges de cassation entendent préserver le rôle d’assistance que la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 (portant réforme de la protection juridique des majeurs) a voulu conférer aux tuteurs et curateurs de personnes mises en cause dans une procédure pénale.
Le majeur protégé présente une certaine vulnérabilité qui nécessite des garanties accrues. Les exigences imposées par l’article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l’homme doivent donc être adaptées à la situation particulière de l’ « incapable ». En effet, la nécessaire « égalité des armes » entre les parties à un procès, se trouve, en présence de majeurs protégés intrinsèquement, et naturellement compromise. L’inégalité n’est pas ici matérielle, objective et propre aux mécanismes procéduraux. Elle est au contraire intellectuelle, subjective, propre à l’individu poursuivi.
La loi entend donc pallier cette inégalité naturelle, par l’implication dans la procédure de l’assistant habituel pour les besoins de la vie du majeur protégé, son tuteur ou curateur, à côté de son assistant exceptionnel pour les besoins de la cause, son avocat.
Dans son arrêt du 27 novembre 2012, la Cour de cassation persiste étonnement à ne viser que l’article 706-113 du Code de procédure pénale, en ignorant l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (Crim. 14 avr. 2010, préc.). Ce dernier consacre pourtant la nécessité d’une information sur la nature et la cause de l’infraction qui soit effective et partant, adaptée aux capacités de compréhension de chaque personne impliquée. C’est d’ailleurs sur le fondement de l’article 6 paragraphe 1er que la Cour européenne juge, dans l’arrêt Vaudelle c/ France du 30 janvier 2001, qu’une bonne administration de la justice aurait dû conduire les autorités nationales à sommer l’accusé de comparaître à l’audience et à défaut y faire assurer sa représentation par son curateur ou par un avocat ; « cela lui aurait permis, précise-t-elle, de comprendre la procédure en cours et d’être informé d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ». C’est sur ce même fondement que la Cour de cassation rendait des solutions en substance semblables à celle du 27 novembre 2012, avant l’entrée en vigueur de l’article 706-113 du Code de procédure pénale (Crim. 16 janv. 2008).
Cette solution permettra peut-être de rassurer ceux que la loi du 5 mars 2007 laissait perplexes quant à la protection des incapables dans la procédure pénale.
Certains auteurs ont en effet mis en avant les inadéquations juridiques de l’article 706-113 du Code de procédure pénale. Ce dernier confère au curateur entendu à l’audience le statut de témoin pour un rôle d’assistant. Leur situation à l’audience est donc juridiquement ambiguë. En effet, les obligations incombant habituellement au témoin diffèrent de celles spécialement mises à la charge du curateur par l’article 706-113 du Code de procédure pénale. Tandis que le témoin est en principe tenu de comparaître, il n’en va pas de même du curateur qui est simplement avisé de la date d’audience. La nécessité de sa présence effective est laissée à sa conscience et à l’idée qu’il se fait de son propre devoir de curateur.
Crim. 27 nov. 2012, n° 11-88.678
Références
■ S. Jacopin, « Santé mentale et droit pénal : les “ incapables ” du droit civil et les “ incapables ” du droit pénal », RDSS 2008. 835.
Code de procédure pénale
Article 706-113
« Le procureur de la République ou le juge d'instruction avise le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont la personne fait l'objet. Il en est de même si la personne fait l'objet d'une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d'une composition pénale ou d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté.
Le curateur ou le tuteur peut prendre connaissance des pièces de la procédure dans les mêmes conditions que celles prévues pour la personne poursuivie.
Si la personne est placée en détention provisoire, le curateur ou le tuteur bénéficie de plein droit d'un permis de visite.
Le procureur de la République ou le juge d'instruction avise le curateur ou le tuteur des décisions de non-lieu, de relaxe, d'acquittement, d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental,» ou de condamnation dont la personne fait l'objet.
Le curateur ou le tuteur est avisé de la date d'audience. Lorsqu'il est présent à l'audience, il est entendu par la juridiction en qualité de témoin. »
Article 171
« Il y a nullité lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par une disposition du présent code ou toute autre disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne. »
Article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
CEDH 30 janv. 2001, Vaudelle c/ France, n°35683/97, RTD civ. 2001. 330, obs. Hauser.
Crim. 3 mai 2012, n°11-88.725.
Crim. 1er févr. 2012, n° 11-82.233.
Crim. 16 janv. 2008, n° 07-81.611.

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