Un juge des enfants vous parle…
Antonio FULLEDA , dénonce dans
le cadre de ses responsabilités syndicales, la nième future loi qui réforme la
justice des mineurs : “c’est comme si
on mettait la majorité à 16 ans”.
Et alors!!! lui répondrait l”extrême droite
lepéniste . Depuis belle lurette, en effet , celle-ci assimile le jeunesse
délinquante à un “fléau” à réprimer au même titre que le trafic de stupéfiants.
Le gros baton pour écraser la vermine .Voilà de la politique pénale réaliste et
plus on s’y prend tôt mieux c’est , car d’aprés les scientifiques il faudrait
combattre un génôme délinquantiel qui donne tout son sens à cette catastrophe
sociale qu’est la jeunesse déviante. Exit la responsabilité des adultes !!!
“
En définitive on est plus exigeant avec les
gosses qu’avec les adultes, prétons l’oreille à ceux qui restent encore et
encore dans la protection de la jeunesse, comme le juge FULLEDA interviewé sur
son expérience et sa pratique par le journaliste de la Marseillaise
Annie MENRAS
AM.« Notre entretien ne porte pas sur le
drame de Florensac*(*Une collégienne de 13 ans tuée de deux
coups de poing lundi par un adolescent de 14 ans à la sortie du collège.)
mais ce dernier ne va-t-il pas dans le sens du gouvernement qui montre
du doigt les mineurs ?
AF . L’affaire de Florensac ne colle pas vraiment à celles
de gamins multiréitérants, mais les médias ont parfois tendance à exagérer les
choses. Par exemple à Narbonne, quand un papy est décédé en raison du ricochet
d’une pierre, la presse a fait ses gros titres en employant les mots « lynchage
», « lapidation ». Au regard d’un grand nombre d’affaires ainsi exposées on se
retrouve face à un sentiment d’insécurité croissant, une sorte de jeu entre
l’opinion publique et la presse. Cela n’est pas nouveau pour ce qui concerne la
presse qui s’est toujours intéressée aux faits divers. Ce qui est nouveau c’est
l’enjeu politique et le discours de disqualification de la parole des
professionnels. Quand les deux se rejoignent on n’est pas loin de ce que le
syndicat de la magistrature appelle le populisme
pénal.
AM .En réalité, la délinquance des
mineurs augmente-t-elle ?
AF .Non. Il y a aujourd’hui mille mineurs incarcérés et
selon le sociologue Laurent Muchielli le diagnostic qui est présenté de la
délinquance des mineurs, n’est ni neutre, ni rationnel, ni fondé. Il ne
correspond pas non plus à ce que nous constatons dans nos cabinets de juge des
enfants. Dans le mien, les affaires gravissimes se comptent sur les doigts d’une
main chaque année. Pour comparer les chiffres, je rappelle qu’une femme meurt
tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon. En outre, ce qui
empoisonne le quotidien des gens ce sont les incivilités. En réalité, la
délinquance des mineurs est devenue un enjeu pour disqualifier les
professionnels.
AM .Rien en tout cas qui justifie une
nouvelle loi ?
AF .Cette modification de la loi s’inscrit dans le
détricotage de l’ordonnance de 1945 avec la volonté de supprimer les tribunaux
pour enfants et la spécificité de la justice des mineurs (nés de cette
ordonnance) qui est la primauté de l’action éducative, puis la sanction
éducative et ensuite s’il le faut la peine. Cette justice est restée basée sur
des principes humanistes. Non, rien ne justifie une nouvelle
loi.
AM. Une loi dont vous pensez qu’elle
risque d’être retoquée par le conseil constitutionnel
?
AF .Il
l’a déjà fait en 2002 puis en mars 2011 à propos des comparutions immédiates des
mineurs.
AM La
justice des mineurs est-elle laxiste ?Pas du tout, elle peut même avoir la main lourde,
mais on lui reproche de ne pas embastiller à tour de bras. Et ça marche. Et
parallèlement, la justice est obligée de trouver des alternatives à la prison
pour les majeurs condamnés à moins de deux ans de
prison.
AM. Quel est le bilan des centres
éducatifs fermés ?
AF .Ce sont des cocottes minutes tout comme les centres
de détention pour mineurs tel qu’il en existe à Narbonne, Nîmes ou Rodez. Dans
certains cas, ça peut marcher, mais ça coûte une fortune (500 euros par jour).
Et j’ai l’impression que ce n’est pas ce qu’attendent les professionnels de
terrain. Ce dont on a surtout besoin, c’est de familles d’accueil. Or, nous ne
sommes pas écoutés, on reste sur une législation à
l’émotionnel.
AM .Car ces mineurs
avant d’être des délinquants sont souvent eux-mêmes en danger
?
AF .Ces mineurs qui ont commis des actes de délinquance sont
souvent des enfants qui ont eu des parcours invraisemblables. Intégrer cette
donnée c’est ce qui fait la richesse de la justice des mineurs et que certains
voudraient supprimer. Un petit pourcentage va s’orienter vers la délinquance
pure et dure. Je suis aussi juge d’application des peines et je sais que
certains se retrouvent en raison des peines planchers pour des années et des
années en prison, mais pour les autres on fait le pari qu’on va les sauver. Par
contre le discours sur la tolérance zéro est un leurre. La répression pour la
répression c’est la barbarie, comme la liberté pour la liberté, c’est
l’anarchie. Il faut trouver un juste milieu et dans ce cadre la Protection
judiciaire de la jeunesse fait un super
boulot.
AM. Pourquoi veut-on introduire des juges
professionnels à la place des assesseurs qui assistent les juges pour enfant
?
AF .L’idée à faire passer est que les tribunaux pour
enfants sont laxistes. Ce qui est paradoxal, c’est que d’un côté on veut
introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels et que de
l’autre dans les tribunaux pour enfants on veut supprimer ces assesseurs très
intéressés par la protection de l’enfance qui sont d’anciens policiers,
professeurs, instituteurs, travailleurs sociaux… Mais je remarque que le Parquet
est plus exigeant avec les gosses qu’avec les adultes. Cette loi, c’est comme si
on mettait la majorité à 16 ans. C’est une politique qui méconnaît la réalité
des juridictions pour enfants (et que dire de l’opinion publique ?) mais qui a
d’autres visées, qui en réalité a un enjeu politique. Et électoralement ça a
l’air de marcher.
AM .Vous avez peur pour votre métier
?
AF. Juge des enfants c’est le plus beau métier du monde.
Nous avons des résultats, des équipes qui travaillent sur la globalité d’un
enfant, d’un adolescent, sans le couper en morceau. Mais je n’ai pas peur. Au
regard des lois internationales, ce métier n’est pas prêt de disparaître.
“
( Avis aux amateurs
et amatrices, FULLEDA a raison , on pourrait étendre : un des plus beaux
métiers celui de juge )
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire